Nous débarquons au poste frontière à 2h du matin bien endormis. Tout le monde descend du bus. Postes frontières équatoriens et péruviens se trouvent côte à côte dans la même salle. Passage éclair côté équatorien, cinq minutes côté péruvien. Ma tête ne doit pas lui revenir, il observe méticuleusement mon passeport à plusieurs reprises. 3h, le bus repart. 4h, nous sommes déjà arrivés à Mancora. On s’attendait à un temps de trajet plus long. Les moto-taxi sont déjà là pour nous proposer des hôtels. On décline pour éviter de payer la nuit en cours. Nous finissons notre nuit, tant bien que mal, dans la salle d’attente de la station de bus. 6h30, le soleil se lève, nous partons en chasse. La même moto-taxi qu’à notre arrivée ne nous lâche pas d’une semelle. Ça tourne au harcèlement. La plupart des hébergements sont encore fermés. Nous parcourrons la petite cité balnéaire pendant près de deux heures avant de trouver notre bonheur.


Mancora bénéficie d’un micro climat très agréable. Le Humboldt, courant froid, sévit moins dans cette partie du Pérou. Les températures grimpent jusqu’à 30°C et la température de l’eau est largement supportable. Réputée comme spot de surf, les vagues sont plutôt absentes. Autre particularité du coin, ses immenses grillons qui s’invitent en ville dès la nuit tombée. Ils pénètrent partout. C’est légèrement stressant pour dormir. Ils sautent partout. En sautant, un abruti de grillon percute la pale du ventilateur accroché au plafond et me tombe sur la tête. Ça réveille ! 


Nous disons adieu à la plage, la prochaine fois n’est pas pour tout de suite. Sur la route vers Chiclayo, les paysages sont désertiques, proches de ceux d’Iran. Nous renouons également avec les rizières.


Chiclayo, très animée et bruyante nous rappelle l’Asie. Pas étonnant, puisque les Chinois représentent la première communauté étrangère du Pérou. Débarqués au 19ème comme esclaves, ils se sont beaucoup mélangés. Il est donc parfois difficile de les distinguer. Ça a donné notamment le Chifa, sorte de cuisine fusion entre les deux cultures. Rien de bien révolutionnaire entre nous.


La découverte il y a trente ans de deux pyramides appartenant à la civilisation précolombienne Moche, disparue il y a 1 700 ans, a rendu la région célèbre. Les pyramides ressemblent à de vieilles montagnes érodées. Nous nous contentons donc du musée créé il y a 15 ans. Il retrace l’histoire du site et plus particulièrement celle du Señor de Sipan, le maître des lieux. Le guide est dithyrambique, nous entrons d’après lui dans le plus beau musée du Pérou et l’un des dix plus beaux du monde. Malheureusement seuls 10% des trésors ont trouvé refuge au musée. Le reste a été pillé. Et encore tout aurait pu disparaître si les Conquistadors n’avaient pas pris ces pyramides pour de vielles montagnes. On contemple néanmoins de magnifiques bijoux. Le Señor de Sipan en portait pour plus de 10 kg. L’ostéoporose aura eu raison de lui. Les os de sa dépouille sont en miettes.


Nous descendons un peu plus bas vers Trujillo, juste pour faire étape. Mise à part une très belle place centrale très colorée à l’architecture coloniales, la ville ne présente pas de grands intérêts.


Privés de montagnes depuis une semaine, nous prenons la route de la Cordillère blanche. Dès que nous quittons la Panaméricaine qui longe la côte Pacifique, la route devient chaotique. Un peu plus loin un camion renversé dans un virage bloque la route. Une heure pour le dégager. C’est long !


Enfin à Huaraz, la principale ville pour partir en excursion dans la cordillère blanche et ses glaciers. Ici, on retrouve les Quechuas, absents des villes du Pacifique. Motivés, comme toujours, nous avions prévu de faire un trek d’une journée vers la célèbre lagune 69. Mais, une sciatique, très douloureuse, me prend dans la nuit et Sarah, bientôt 29 ans, souffre de son genou, sûrement de l’arthrite. Nous renonçons. Nous nous contentons donc du tour le plus populaire, celui qui conduit au glacier Pastoruri. Nous nous levons encore une fois de bonne heure, 7h. 8h30 on réserve notre tour, à 9h on est dans le bus. 9h45 c’est parti. Le guide profite des 70km de route pour nous conter l’histoire de la région, des bouleversements liés au réchauffement climatique et de pollution liée à l’exploitation d’une mine par les Français. Quelques arrêts sur la route pour justifier la journée entière de tour. Une eau gazeuse, des arbres (Puya raimondi), une eau de 7 couleurs, bla bla bla. 12h15, fin de la route. Enfin les choses sérieuses. 2,5km à pieds pour atteindre le glacier. Nous sommes à 4 800m d’altitude. Aucune difficulté à le rejoindre. Malheureusement 50% de fonte sur les 15 dernières années ça se voit. Du coup ce n’est pas si impressionnant que ça.


Encore une journée de bus au programme pour rejoindre la capitale. Montagnes de sable d’un côté et océan Pacifique de l’autre aident à faire passer le voyage.


Nous renouons avec le couchsurfing pour nos deux nuits à Lima. Giancarlo, notre hôte, représente à merveille le Péruvien type à savoir un mélange de différentes ethnies : basque, chinois, libanais, quechua. Ingénieur civil, Giancarlo ne vit que pour que les voyages. Il a passé plusieurs mois dans les Balkans l’année dernière. Il n’a qu’une envie, démissionner de nouveau pour repartir en Europe ou ailleurs.


Une journée pour visiter Lima, qui concentre le tiers de la population péruvienne (32 millions d’habitants), relève du défi. Nous parcourons l’immense centre historique. Eglises, couvents et autre musée de l’Inquisition, malheureusement fermés pour travaux, offrent un cadre agréable. On poursuit avec le très animé quartier chinois. Nous terminons par le sud de la ville à Miraflores, le quartier très chic de Lima qui surplombe la mer du haut d’une falaise. Nous rentrons lessivés. Giancarlo, resté tranquillement toute la journée chez lui (nous sommes dimanche), nous attend bien sagement. Fan de série, il attend avec impatience 20h pour découvrir le nouvel épisode de Game of Thrones. A 19h nous lui rappelons gentiment qu’on avait prévu de cuisiner ensemble une spécialité locale, l’« aji de gallina ». Ah oui, il faut faire des courses. Branle-bas de combat pour acheter les ingrédients. Impossible de trouver du poulet ! Que faire ? La 4ème épicerie est finalement la bonne. On accélère le pas. 19h55 de retour chez lui. C’était moins une. On cuisinera après l’épisode, enfin Giancarlo et Sarah. Je suis préposé à la vaisselle. Le plat est délicieux !


Nous nous levons très tôt, à 5h30, pour aller prendre notre bus dans le centre de Lima pour rejoindre Ica. Nous arrivons en début d’après-midi. Après avoir trouvé un logement et déjeuner un almuerzo (une soupe, un plat et une boisson) nous filons à pieds vers les dunes de sable de Huacachina. Comme tous les bons touristes du coin nous nous inscrivons à un tour en buggy dans les dunes. L’engin, plutôt massif, accueille 12 personnes pilote compris. Ça secoue, cervicales fragiles s’abstenir. Quelques arrêts photos et sandboard. C’est amusant cinq minutes. Et le final, observation du coucher de soleil. Tous les buggys se rejoignent au même point. Nous sommes plusieurs centaines. Dommage !


Autre intérêt de la région, a priori, le pisco. Cet alcool est bien d’origine péruvienne et non chilienne. L’appellation est protégée comme pour le champagne en France. Les Chiliens ont donc malicieusement renommé une ville Pisco pour contourner l’interdiction. Nous nous dirigeons vers la cave de Tacama, le plus gros producteur du pays de pisco et de vin. Visite et dégustation gratuites. Le Pérou est avec le Mexique les premiers endroits où les Espagnols ont planté des vignes. Le but étant au 16ème siècle de produire du vin de messe. Sans surprise, la famille qui détient le domaine depuis plus de 100 ans a fait appel à des experts français pour booster la qualité. La visite est bien rôdée, le domaine magnifique. Vient enfin le temps de la dégustation. On a le droit à toutes les couleurs. Bon comment dire, y a encore du boulot pour atteindre la qualité des vins français.

Après plus de 17h de bus de nuit, ambiance famille, nous entrons dans l’ancienne capitale de l’empire Inca, Cusco. Nous devons débuter la visite de la ville par un free walking-tour. Nous patientons sur le lieu de rendez-vous. Il en existe une multitude. Ils se distinguent par la couleur de leur veste. Nous avons réservé le « vert ». 15 minutes de retard déjà. Un « violet » se présente. « Le « vert » ne viendra pas », nous informe-t-il. Merci de nous prévenir. Nous partons donc avec le « violet ». Seuls deux autres personnes nous accompagnent, les autres préfèrent attendre le prochain horaire. Malgré un accent prononcé, les trois heures de visite de la ville sont très intéressantes. Cusco a acquis son statut au 15ème siècle sous Pachacutec (le « Transformateur du monde ») fondateur de l’empire inca. Il a fait bâtir la ville en forme de puma, qui dans la culture andine représente le « monde d’ici ». C’est sous sa direction que seront construits le Machu Picchu et le chemin de l’inca. Notre guide, d’origine inca, nous vante leurs techniques de construction antisismiques, des murs sans mortier, ni joints, que n’ont pas conservé les Espagnols. Ils ont donc dû rebâtir après chaque tremblement de terre.


Nous poursuivons, seuls, avec la visite du musée de l’inca. Pas de contrôle à l’entrée, nous passons sans payer. Très bon musée qui présente les différentes civilisations du Pérou et leur répartition géographique, avant la conquête du territoire par les Incas puis la résistance des Incas, à travers l’art, à la colonisation espagnole.


Notre deuxième jour de visite nous permet d’arpenter le quartier bohème de San Blas situé sur les hauteurs de la ville. Nous pensions que la ville serait plus animée, les Péruviens célébrant leur fête nationale. Depuis notre arrivée au Pérou nous avons vu les villes se préparer, tous les vendeurs de drapeau étaient de sortie, des férias débutaient pour une semaine. Mais ici, presque rien. Cusco diffère vraiment du reste du pays. La culture inca prédomine et le sentiment anti-Lima prédomine.


Nous repartons en bus de nuit, la norme au Pérou, pour Arequipa surnommée la ville blanche. Cité à l’architecture coloniale dont nous ne profitons pas vraiment. Nous sommes légèrement épuisés. Une sieste s’impose dans l’après-midi. De plus un trek de deux jours nous attends le surlendemain dans le canyon du Colca. Beaucoup le font en trois jours mais sûrs de nos forces nous le tentons en deux. Il s’agit d’une boucle de 26km.


Départ 8h30 depuis le village de Cabanaconde. Ça descend. Nous profitons pleinement du paysage. Il s’agit du deuxième plus grand canyon au monde, près de 4 000 mètres. Un condor nous fait même le plaisir de se montrer, majestueux. Nous approchons du village de Llahuar, là où s’arrête généralement les marcheurs. 2 km en légère montée pour l’atteindre. Nous sommes à mi-chemin, mais le plus dur débute. 6 km de montée au plus chaud de la journée, le paysage ne suffit plus. On en bave. 3h de montée. Nous terminons par 4 km de descente. La récompense, la magnifique oasis de Sangalle. Tous les hôtels proposent des piscines.

16h30, encore une heure pour en profiter avant la tombée de la nuit. Quel bonheur !


Une bonne nuit de sommeil, 7h30, nous repartons. 700 mètres de dénivelé nous attendent pour remonter à Cabanaconde sur seulement 6 km soit une pente moyenne de près de 12%. Que c’est dur ! 4h de montée non-stop. Je pense que nous avons eu notre dose de trek pour quelques semaines. 12h30, nous montons dans le bus pour retourner sur Arequipa. Nous décidons de prendre dans la foulée un bus de nuit pour Puno, situé au bord du lac Titicaca. Le bus est plus rapide que prévu. Il est 3h du matin, il fait un froid de canard. Un vendeur nous propose un hôtel gratuit en attendant le bus de 7h pour Copacabana, de l’autre côté du lac Titicaca, côté bolivien. Banco, on prend. On se reposera plus tard.