Nous débarquons à Auckland au petit matin après treize heures de vol et surtout seize heures de décalage horaire. Heureusement, Annik, qui nous héberge, nous a donné le code de la porte pour entrer sans réveiller personne. Nous allons ainsi partager la vie des onze colocataires qui vivent dans la maison pendant trois jours. Les deux canapés du salon sont pour nous. Personne n’est levé, nous en profitons pour nous doucher. Un rapide tour du quartier, très cossu, suffit à nous rendre compte que nous avons quitté l’Amérique du sud et ses rues animées et souvent sales, pour un pays bien propre qui ne fait pas de vagues. Quelques courses, on mange, une nouvelle petite balade et une grosse sieste de plusieurs heures complèteront cette première journée. Enfin, c’est ce qu’on pensait. « It’s Friday night », lance Edward, un des colocataires, arrivé de Londres il y a quelques mois, « We need to party » ! Nous voilà embarqués avec lui, François, Québécois, qui vit dans son van garé près de la maison, et Steven un de leur collègue néo-zélandais. Première idée, aller squatter chez un ami de ce dernier. On arrive. Son ami vient de fumer son petit joint et n’est pas « in the mood » pour une soirée. Ça commence très fort cette soirée. Seconde idée, plus sûre et plus chère, se rendre dans un pub. Heureusement pour nous, ils travaillent tous demain matin de bonne heure. Edward s’absente sans prévenir. Nous ne le reverrons plus. Nous rentrons avec François, il n’est que 23h, Edward est déjà couché. Personne ne traîne dans le salon. Ouf. Épuisés nous allons nous coucher.


C’est parti pour une journée de découverte de la plus grande ville du pays, 1,4 million d’habitant sur les 4,7 millions que comptent la Nouvelle-Zélande. Nous débutons par sa principale attraction, le Auckland Art Gallery. Art néo-zéalandais, performances, et un peu de peinture classique, nous occupent pendant plusieurs heures. Nous profitons d’une éclaircie pour pique niquer dans un parc. Malgré le vent et la pluie nous filons du côté du port fraîchement rénové. Hôtels, restaurants, bars et commerces se succèdent le long du quai. Auckland, c’est neuf, c’est propre mais ça manque cruellement de caractère. Rien d’étonnant pour un pays aussi jeune.


Il pleut depuis notre réveil. Netflix nous permet de passer le temps. Une éclaircie et hop on sort. Nous marchons vers One tree hill, un des parcs préférés des Aucklandais. Au sommet, il n’y a plus d’arbres mais un mausolée à la gloire de l’ancien propriétaire du domaine qui l’a légué à la ville à sa mort. On peut surtout profiter d’une vue à 360°C sur la baie.


Pour cette première journée de stop dans le pays nous jouons la sécurité en visant Hamilton situé à seulement 100 km plus au sud. Nous descendons au terminus du métro pour nous éloigner de la ville. 15 minutes plus tard une voiture s’arrête. Les deux hommes doivent s’arrêter 30 km avant Hamilton mais finalement ils décident de nous y conduire. Une jolie chambre louée sur Airbnb nous attend. Une bonne sieste, le décalage horaire n’est pas encore digéré, une promenade au parc et de retour dans le lit.


Positionnés à la sortie d’une station essence il ne faut que cinq minutes avant qu’une femme nous prenne en stop. Une première ! Une heure de route façon pilote de F1 et nous arrivons à Rotorua. Ça pue le soufre à plein nez ! Geysers et autre spa naturels entourent la ville. La plupart des coins sympas sont situés à plusieurs kilomètres de la ville. Autant vous dire que nous ne nous trouvons pas la motivation pour faire du stop pour nous y rendre. Nous nous contentons pendant trois jours de balades dans les parcs aux alentours et surtout nous finissons de nous remettre du décalage horaire.


Sans difficulté nous rejoignons Taupo où Anthony et Matthew, deux gars bien de la région, nous accueillent. Une nouvelle fois le quartier est très chic, la vue sur le lac est magnifique. Le soir ils nous invitent à assister à un concert dans le quartier. Trois jeunes groupes au style bien différent se succèdent. Nous en profitons pour vivre de l’intérieur la vie d’un quartier bien tranquille façon Westeria Lane.


Enfin du soleil ! Nous partons à la découverte des impressionnantes Huaka Falls. Sur le retour nous nous prélassons dans des bains chauds. Ça se bouscule un peu. L’endroit, minuscule, se situe au confluent des eaux chaudes des volcans et de la rivière Waikato. Brûlant à la surface et froid au sol, le mélange d’abord surprenant, devient au fil des minutes relaxant et très agréable.


Dimanche matin 9h, nous sommes sur le pont. Une grosse journée de stop nous attend pour rejoindre la capitale Wellington. Une première voiture nous dépose rapidement à la sortie de la ville. 15 minutes plus tard un automobiliste au volant d’une BMW s’arrête. C’est notre jour de chance. Jan, à peine 40 ans, vient d’immigrer en Nouvelle-Zélande. Il a emménagé avec sa femme et ses deux filles à Wellington tout juste une semaine auparavant. Il revient d’Auckland où il a acheté sa voiture à un ami sudafricain. Nous échangeons sur la Nouvelle-Zélande mais surtout sur l’Afrique du sud, notre dernière étape du tour du monde. Jan est un peu fatigué, il est rentré hier soir vers 3h du matin d’une partie de chasse nocturne aux possums avec un autre ami sudafricain. La diaspora s’agrandit d’années en années. Les « blancs » fuient de plus en plus l’Afrique du sud et ses quotas. Après un arrêt café, Jan commence à s’inquiéter d’un bruit dans la voiture. Il a peur que l’alternateur ait lâché. Un arrêt de la batterie est alors à craindre d’un moment à l’autre. On coupe l’air conditionné, la radio. Les voyants sur le tableau de bord s’allument et s’éteignent par alternance. La pluie s’invite, pas d’essuie-glace, Jan préfère s’arrêter. Impossible de redémarrer. Nous sommes à 5km de la ville la plus proche. Jan téléphone à son assistance, le garage le plus proche est fermé. Par miracle après une énième tentative la voiture redémarre. Jan est en réalité très pressé. Sa femme doit partir, seule, à 15h de chez eux pour prendre l’avion. Il est 12h30, il nous reste 1h30 de route environ. La batterie lâche de nouveau 10km plus loin. Juste en face d’une ferme. Sa femme l’appelle toutes les 30 minutes. Jan, après plusieurs minutes d’hésitations, avec les habitants de la ferme remplace finalement la batterie et en emprunte deux de secours pour finir la route. Nous irons jusqu’au bout avec la batterie de rechange, il est 17h. Ce n’était donc pas l’alternateur mais la batterie. Jan est soulagé. Quelle journée !


Nous sommes accueillis à Wellington par Brentt et ses colocataires dans une magnifique maison qui surplombe le port et la ville. Nous consacrons une partie de notre journée dans la capitale à sa principale attraction, le musée nationale « Te Papa » (lieu des trésors de cette terre). Un gigantesque édifice qui traite donc de toutes les caractéristiques de la Nouvelle-Zélande : faune, flore, risques naturels, histoire du pays, vie actuelle… Il faudrait plusieurs jours pour le visiter dans son intégralité. Nous abandonnons au bout de 3 heures.


Encore debout de bonne heure, 6 km de marche nous attendent pour rejoindre l’embarcadère et monter à bord du ferry. Trois heures de traversée des plus agréables entre l’île du nord et l’île du sud sous un soleil, trop rare depuis notre arrivée. 20km en stop et nous voilà arrivé à Blenheim, petite bourgade sans grand intérêt mais où nous attendons Ivan, un Ukrainien immigré en Nouvelle-Zélande depuis 10 ans. Ivan qui revient de Wellington, mais en avion, doit nous récupérer en soirée. Malheureusement son vol est retardé. Nous patientons dans cette ville morte jusqu’à près de 22h où tout a fermé depuis 18h. Ivan vit en plein milieu des vignes, la région de Marlborough produit 75% du vin du pays, le Sauvignon blanc en particulier. La soirée en compagnie d’Ivan est courte mais nous apprécions son sens de l’humour et son ton ironique sur son pays d’accueil.

Ivan parti tôt travaillé, nous profitons de sa petite maison. 14h, de retour sur les routes. Un jeune touriste français nous prend en stop pour nous déposer à Nelson, la plus grande ville du nord de l’île du sud. Luke et sa fille Savanna nous hébergent pour deux nuits. Divorcé, Luke est un homme très occupé comme il aime à le dire. Etudiant, le jour, agent de sécurité la nuit dans un bar, et deux filles à élever, nous ne partagerons que peu de temps avec lui.


Nous souhaitons nous rendre sur Rabbit Island une trentaine de km plus à l’ouest. Nous changeons plusieurs fois d’endroit pour faire du stop mais sans succès. Une mamie tout droit sortie de l’église devant laquelle nous attendions, nous accoste pour nous demander où nous allons. Et elle se met à prier pour nous. Miracle ! Une autre mamie un peu fofolle finit par s’arrêter. Elle nous dépose quelques km plus loin. Nous abandonnons. On récupère un bus pour rentrer sur Nelson.


Réveil 6h ! Notre dernière journée de stop en Nouvelle-Zélande sera la plus longue pour rejoindre Christchurch. 7h30 pancarte à la main, nous patientons. Une femme qui se rend à son travail nous dépose à la sortie de la ville suivante. Dans la foulée un petit jeune nous emmène 20km plus loin. Une heure d’attente, un fermier pas très causant nous laisse 100 km plus loin. 45 minutes d’attente, un bûcheron s’arrête. « Je vais à Christchurch ce week-end pour aider un ami ». Génial, c’est terminé. 1h30 de route plus tard, « je vous dépose au prochain croisement ». Mince ! On n’a pas dû tout bien comprendre. On en profite pour déguster nos sandwichs de pain de mie au beurre de cacahuètes. 30 minutes passent, un homme dans son gros 4x4 Volkswagen fait marche arrière. « Je peux vous déposer 30km avant Christchurch ». Vendu ! Deux ouvriers qui rentrent du travail finiront le travail. 16h30, après six véhicules et neuf heures nous y sommes. Un code promo Uber nous évite une heure de marche pour nous rendre chez Kristy et Dan nos hôtes du soir.

Après une petite sortie dans un parc pour promener le chien, Kristy nous prépare un délicieux repas, du saumon néo-zélandais. Du poisson, ça faisait longtemps. Nous rencontrons également Maxime, un autre couchsurfer français qui arrive d’une année en Australie. Parler en français fait tellement de bien parfois.


Kristy, très serviable, nous conduit à l’agence de location pour récupérer la bête, notre campervan Sonic, qui nous accompagnera pour les douze prochains jours. Vive la liberté !


D’après tous les Néo-Zélandais croisés, l’île du sud est supposée être beaucoup plus jolie que celle du nord. On l’espère. C’est joli pour l’instant mais ça reste « la comté » du Seigneur des Anneaux, verte et vallonnée, remplie de moutons et de vaches (trente millions cumulés). Des paysages trop façonnés, trop propres à notre goût qui ont remplacé à 75% la forêt primaire, en moins de deux siècles.

De l’essence, des vivres et c’est parti.


Sur la route de Dunedin, pas de grand changement de paysage pour l’instant. Nous nous arrêtons quelques km avant, près d’une plage. On comprend mieux pourquoi les villes de la côte est ont une consonance écossaise. Les paysages y ressemblent comme deux gouttes d’eau. On dit adieu à toute forme de confort hygiénique. Les toilettes publiques feront l’affaire pour nos « douches » quotidiennes.


Qu’est-ce qu’on a bien dormi. L’espace lit dans le campervan est grand et plutôt confortable. Quelques km en front de mer et nous stationnons à Dunedin. Il pleut. Heureusement son musée d’art moderne et le musée Otago valent le détour. Nous retournons sur la côte pour dormir. Le bruit des vagues nous berce. Nous terminons les derniers épisodes des Sopranos qui ont accompagné nos soirées ces quatre derniers mois.


Entre deux éclaircies, nous nous arrêtons pour admirer les paysages côtiers. Nous arrivons à Invercargill. C’est la fête du travail ce lundi et autant dire qu’à 17h Invercargill ressemble à une ville fantôme. Nous passons notre chemin rapidement. Nous trouvons un parking pour dormir avec des toilettes publics dernier cri juste en face. Quel luxe !


Fini les jolies vallées vertes remplis de moutons, nous arrivons vers les montagnes, les Alpes du sud. L’explorateur James Cook les a nommées ainsi à la fin du 18ème. Son plus haut sommet, le Mont Cook, forcément, culmine à 3 754m. Le changement de décor nous fait du bien, d’autant que le soleil fait son retour. Nous arrivons en début d’après-midi à Te Anau, du nom du lac qui borde la ville. Nous campons sous un pont en bord de rivière dans les alentours.


Levés 5h30. Deux heures de route pour rejoindre Milford Sound, le lieu le plus visité en Nouvelle-Zélande. Cette fois-ci la pluie et la brume rende le paysage inquiétant et rappelle l’esprit du Seigneur des Anneaux. Enfin un décor brut ! 9h nous embarquons sur un bateau pour une traversée dans le fjord. Techniquement ce n’est pas un fjord mais un sound, plus large. Si la pluie, plus de 200 jours par an, abondante permet d’admirer d’immenses cascades, la brume empêche d’apercevoir les plus hauts sommets. Face à la mer de Tasman, nous faisons demi-tour. Quelques otaries avachies sur un rocher nous font l’honneur de leur présence.


Nous campons sur la route de notre prochaine destination, sur une aire de pique-nique au pied d’une colline. Nous sommes seuls. Réveil sous le soleil, toujours seuls, je peux sortir nu et profiter de la nature. Allez, il faut reprendre la route. Queenstown, la plus célèbre station de ski et de sport extrême de la région, approche, et déjà le spectacle de cet immense lac Wakatipu et des montagnes aux sommets enneigés se présente face à nous. Un petit arrêt photo s’impose avant d’entrer dans la minuscule ville. Celle-ci est bondée de touristes, beaucoup d’Asiatiques, une des plaies de la Nouvelle-Zélande. Un petit tour à la bibliothèque pour notre shoot quotidien de wifi et nous partons sillonner les alentours. Le lac Moke pour commencer puis le lac Hayes où nous restons camper.


Toujours du soleil, petit déjeuner dehors face au lac, on a connu pire. Deux heures pour faire le tour du lac et nous partons visiter la localité d’Arrowtown. Une des nombreuses villes crées au temps des chercheurs d’or au 19ème. La particularité ici tient aux 8 000 Chinois installés à cette époque dans la région, ce qui en faisait la première communauté du coin. Peu appréciés des Européens ils ont tout de même réussi à se faire accepter au fil du temps grâce à leur force de travail. Leur immigration a longtemps été limité et peu se sont installés définitivement.


Après une seconde nuit face au lac Hayes nous roulons vers Wanaka, autre ville bordée par un immense lac. Peu intéressés désormais par les longues randonnées nous profitons juste du soleil et de la vue. Une heure de route plus loin nous trouvons enfin un endroit tranquille où stationner pour la nuit. Juste en bordure de forêt, nous faisons connaissance avec les sandflies, de toutes petites mouches suceuses de sang qui vous mordent en un rien de temps. Le temps de comprendre ce qui nous arrivait il était trop tard. Mes pieds sont recouverts de piqûres.


Nous roulons jusqu’à la prochaine ville pour nous éloigner de ces bestioles et prendre notre petit-déjeuner un peu près en paix. Elles sont partout dans la région. Un shampoing dans le lavabo des toilettes et nous prenons la route des glaciers. Le Fox glacier pour débuter. Une heure de marche aller-retour sous le soleil. Bon on ne va pas se mentir, nous sommes très loin des glaciers de Patagonie. Mais bon c’est sur la route. Bis repetita avec le Franz Josef, même décor, mais cette fois-ci la pluie réapparaît.


Nous trouvons non sans mal une aire de camping sauvage indiquée en bord de rivière. Une nouvelle fois nous sommes seuls. Le Mont Cook en face de nous, enfin sous les nuages, et des vaches un peu partout dans les champs. Peu de sandflies, l’endroit semble idéal. Le lit est prêt, on s’installe. L’invasion de moustiques commence. Nous fermons toutes les fenêtres et commençons l’élimination en règle de tout ces parasites. Nous remportons le combat haut la main.


On ne traîne pas trop au réveil. Une heure de route pour rejoindre la civilisation et Hotikita, ville réputée pour ses pierres de Jade. Nous stationnons toute l’après-midi dans la bibliothèque bien au chaud.


Notre dernier jour dans notre campervan nous amène dans le parc national d’Arthur’s Pass, du nom du commerçant anglais qui a trouvé, enfin les Maoris le lui ont montré, une brèche qui permet de traverser assez aisément les Alpes du sud sans avoir à les contourner. Un peu de marche, et nous repartons pour nous rapprocher le plus possible de Christchurch.


Ça y est l’heure de rendre le campervan a sonné. Nous pressons le pas pour nous rendre à notre Airbnb et savourer une bonne douche bien chaude. Nous profitons de ces trois derniers jours à Christchurch pour préparer la suite…