Pourtant proche de Cuba, arriver à Carthagène des Indes n’a pas été une mince affaire. Il n’existe pas de vol direct entre les deux pays (la Colombie est politiquement plus proche des USA que de Cuba). Notre passage en Iran nous interdisant une escale aux USA, nous devons donc passer par le Mexique. A l’aéroport de la Havane impossible de s’enregistrer pour le deuxième vol Mexico – Bogota (ils ne sont pas reliés au réseau), or nous n’avons qu’1h15 d’escale entre les deux vols. Et une fois à Bogota nous devons prendre un dernier vol vers Carthagène. Pour couronner le tout, tous les vols décollent de Cuba avec un retard minimum de 15 minutes. C’est cuit ! Nous allons louper notre correspondance et devoir patienter jusqu’au lendemain pour atteindre la Colombie. Décollage avec 15 minutes de retard mais le capitaine annonce une durée de vol inférieure de 15 minutes au temps prévu. Ça peut le faire. Le vol est stressant. Annonce du capitaine, finalement le temps de vol prévu initialement sera respecté. Les deux premiers rangs, prioritaires, sont vides. On s’y installe. Atterrissage, nous sommes collés à la porte, prêts à jaillir. C’est parti ! On sprint. Première étape, les services de l’immigration. Peu de queue. On a rapidement le tampon. On court, l’aéroport est immense. Deuxième étape, la douane, « Appuyez sur le bouton ». On a le droit à la fouille des bagages. Génial ! On referme nos sacs en vitesse en vitesse nos sacs. Il faut traverser tout l’aéroport pour s’enregistrer. Notre vol doit partir dans moins de 40 minutes. Pas d’attente au guichet d’enregistrement. Nous traversons l’aéroport dans l’autre sens pour retourner aux salles d’embarquements. On est devant la porte 30 minutes avant le départ. Ouf ! Tout le monde attend devant la porte. Le personnel de vol est en retard. Nous partons finalement avec une heure de retard. Génial !


Nous passons la nuit dans l’aéroport de Bogota. Nous décollons à 6h pour Carthagène. Une heure plus tard nous sommes dans les rues de Carthagène. Ça chauffe déjà. Nous sommes en sueur. Notre « habitacion » n’est qu’à 3km de l’aéroport. Impossible de la trouver ! le système des adresses un peu particulier est incompréhensible pour nos petits cerveaux exténués par le voyage. Les habitants tentent de nous aider, en vain. Après une heure à tourner en rond nous finissons par la trouver. Notre « habitacion » se situe au-dessus d’un garage. Pas très glamour. On s’en contentera.


Carthagène des Indes, ville emblématique de la partie caribéenne et ancien centre de traite négrière se veut aujourd’hui l’étendard de la culture afro-colombienne.

Egalement centre de transit de l’exploration aurifère espagnole, le centre historique, classé à l’UNESCO, se distingue par ses maisons colorées. Côté mer, des fortifications ont été érigées pour protéger la ville. La partie côtière s’est aussi transformée en station balnéaire très fréquentée par les Américains du nord et ce malgré des plages de sable noir loin de faire rêver. Pour beaucoup Carthagène est considérée comme la plus belle ville du pays.


En y pensant, nous visitons notre première démocratie depuis notre départ. Pas d’affiche du parti au pouvoir, ni du dictateur ou du libérateur. Jésus Christ et la Vierge Marie ont tendance à remplacer ses figures. Images, dessins, citations bibliques sont présents un peu partout.


Malgré la chaleur et la moiteur, près de 50°C en température ressentie, nous poursuivons sur la côte caribéenne et la petite ville de Santa Marta. Ville côtière sans prétention où Ruben, notre hôte, nous accueille et nous conseille sur les attractions de la région. La principale, le parc national de Tayrona qui abrite une biodiversité endémique (la Colombie présente l’une des biodiversités les plus importantes au monde) et des plages magnifiques au pied des montagnes. Pour les touristes le chemin est balisé, pas question de s’aventurer seuls dans la jungle. Ça me va bien. Une heure de marche, une plage magnifique, une heure de marche, une nouvelle plage magnifique, comme ça toute la journée.


La Colombie, deux fois la France mais à peine 50 millions d’habitants, nous impose à opter pour le bus de nuit pour notre prochaine destination : Medellin. Départ 19h30, la clim à fond, siège qui s’incline presque totalement, les sacs de couchage en place, nous sommes prêts à dormir. 17h30 pour parcourir 800km et faire connaissance avec la cordillère des Andes que nous suivrons lors des prochains mois sur ses 7 000km de longueur. L’arrivée à Medellin, ville du printemps éternel, est impressionnante. Située dans une vallée la ville s’étend aussi sur les flancs de montagne. 


Cinquante mille visiteurs en 1995, cinq millions en 2015, la Colombie, grâce à une politique sécuritaire musclée, réussit peu à peu à se défaire de son image de pays le plus dangereux au monde. Medellin, libérée de Pablo Escobar en 1993, en est le parfait exemple. La ville, encore en rémission, s’est transformée à vitesse grand V en vingt ans. Le centre-ville a été progressivement nettoyé des dealers, proxénètes et autres toxicomanes. Certes, des toxicos traînent encore dans les parcs, mais à aucun moment nous ne nous sentons en danger. Des centres d’accueil, des bibliothèques, des commerces, des musées, et les très originales sculptures de Fernando Botero (originaire de Medellin) ont redonné vie au centre-ville. Deux lignes de métro aérien, un tramway ainsi que quatre lignes de téléphérique ont aussi été construits, permettant ainsi de désenclaver les « barrios » les plus populaires perchés dans les montagnes.

Nous nous promenons même dans le quartier de la Comuna 13. Aux mains des milices (ELN, FARC, indépendants) à la chute de Pablo Escobar, ce quartier a fait l’objet en 2002 d’une opération militaire (Opération Orion) sanglante. Aujourd’hui, en journée en tout cas, ce quartier est paisible. Des escalators électriques extérieurs y ont même été installés en 2011 et font la fierté des habitants. Avec un dénivelé plus important qu’à San Francisco, croyez-moi ça change la vie.


A moins de deux heures de Medellin, nous nous rendons à Guatape. Un village bordé d’une multitude de lacs, appelée mer intérieure d’Antoquia. Toutes les maisons y sont colorées et ornées de motifs sur le bas de leur façade. Nous marchons à 3 km de là vers la Piedra del Peña, qui offre « la plus belle vue du monde » à son sommet. 740 marches à gravir pour atteindre le sommet de ce gros caillou. La vue est à tomber. Montagnes verdoyantes et lacs d’un bleu marine sont en parfaite symbiose.


Après un nouveau voyage en bus de nuit, nous débarquons au petit matin à Bogota. Le climat y est un peu plus frais, nous culminons à 2 600m. La capitale plutôt austère offre surtout son lot d’activités culturelles. Nous débutons par le musée de l’or. Il abrite la plus grande collection au monde. Effectivement, nous y passons trois heures. Un voyage à travers les régions colombiennes et le temps. L’or avait une grande importance pour les civilisations précolombiennes. De la même couleur que le soleil, les caciques (élites et chamans) en retiraient un grand pouvoir. Pour les conquistadors à la recherche de l’El Dorado, il s’agissait surtout de s’enrichir et de financer les conquêtes. Nous poursuivons avec le musée Fernando Botero. Peintre et sculpteur atypique du 20ème siècle aux œuvres récréatives, nous admirons ses principales œuvres comme sa « Mona Lisa ».


Le dernier jour, nous participons à une visite de la ville consacrée au graffiti. Bogota en serait la ville sudaméricaine la plus prolifique. Nous attendons notre guide sur une place. Un groupe de trois jeunes colombiens, dont deux punks, et un autre, seul, vêtu d’un jean troué sont assis à quelques mètres de nous. Une patrouille de police arrive. Bien sûr les touristes ne sont jamais contrôlés. Les quatre jeunes ne vont pas y échapper. Pièce d’identité, fouille des sacs et fouille au corps. Pendant que le groupe de trois se fait contrôler, le jeune homme seul vide ses poches sous nos yeux et glisse un sachet avec son pied sous le muret. Juste quelques joints roulés. La fouille se poursuit. Les policiers ne trouvent rien. Ça parlemente, le groupe de trois ne comprend pas l’acharnement. Enfin, un policier se baisse et découvre le sachet. Bien entendu personne ne se dénonce. Les quatre sont menottés, installés à l’arrière d’un pick-up et conduits au poste. Pas facile la vie de jeune colombien.


Notre guide, anthropologue, arrive enfin. C’est parti pour 2h30 autour du street art bogotanais. Le contexte particulier colombien est très porteur pour ce type d’expression revendicative. Autre élément, le graffiti se développe de plus en plus dans le centre pour lutter contre le tag. Les habitants et commerçants prennent les devants en confiant leurs murs à des artistes graffeurs pour les décorer. Une sorte de code dans l’univers du graph protège les œuvres. Pas touche aux œuvres ou inscriptions d’autrui si on ne veut pas que les nôtres soient touchées. L’activité dépénalisée il y a quelques années est en pleine essor. Des artistes du monde entier posent leurs valises tous les jours dans la capitale pour « graffer ».


Prochaine étape, la ville d’Arménia capitale de la région du café. Pour y parvenir nous traversons plusieurs sommets à près de 4 000m d’altitude. La route est en bonne état et plutôt large mais le trafic incessant d’énormes camions rend la circulation difficile. Heureusement, les paysages sont toujours aussi magnifiques. Depuis Arménia, nous rejoignons le village de Salento, point de départ pour une randonnée de 4h dans la vallée de Cocora. Nous parcourons 15km entre 2 000 et 3 000m d’altitude. Le soleil, la brune et la pluie alternent. On en prend plein les yeux.


Nous quittons la haute montagne et son climat délicieux pour rejoindre Neiva. Nous retrouvons la chaleur. Au petit matin nous prenons la route pour le tout petit désert de Tatacoa. Quelle déception ! On aurait pu s’épargner toute cette route. Les gens s’émerveillent vraiment des fois pour pas grand chose. Rentrés rapidement de notre petite excursion, nous passons l’après-midi sur la place centrale de Neiva, assis au milieu des cireurs de chaussures. Dans l’attente de notre bus de nuit, départ 20h pour Cali, nous observons.


Cali, deuxième déception. A part si vous voulez vous mettre à la salsa, la troisième ville du pays présente peu d’intérêt. Nous nous contentons dès lors de parcourir le centre-ville et le quartier sécurisé et résidentiel de San Antonio où nous résidons.


Popayan, dernière étape de notre voyage en Colombie, ressemble à Carthagène. A la différence que toutes les façades sont blanches. Parfait pour se balader tranquillement pour cette dernière journée en Colombie. Un dernier bus de nuit nous conduit à Ipiales, ville frontière. Il est 8h, nous quittons définitivement la Colombie, un simple pont nous sépare de l’Equateur. Notre voyage n’aura pas été vain. Seulement deux jours après notre départ, les FARC déposaient les armes…